Une année à l'étranger...

Hashimoto

20/09/2013

Aujourd'hui, nous avons à nouveau rejoint le Kyôto Guide Club.
Nous avions rendez-vous à la station de Yamatashi. Nous avons donc pris le train ce matin, et nous avons rejoint le groupe et nos guides là-bas, qui nous attendaient avec un petit drapeau du Kyôto Guide Club. Nous avons retrouvé Stephane, un belge avec qui Edouard avait discuté à la dernière balade, et nous avons fait la rencontre de nouvelles personnes, japonaises et autre. Une fois tout le monde à l'appel, les guides nous ont remis un petit dossier de la journée prévue aujourd'hui, avec l'histoire du pont Yamazaki, ainsi que l'histoire de Hashimoto, un plan de la balade, de vieilles photos historiques, des cartes, des définitions... Tout est bien organisé et bien complet !

Après une brève explication sur la journée, nous sommes partis. Nous avons marché le long de la route un moment jusqu'au pont Yamazaki qui fut construit en 725, traversant la Yodo River. Ce pont aujourd'hui n'est plus, on ne voit que les vestiges de sa construction, c'est à dire les piliers qui l'ont formé, car il était constamment abîmé par les inondations et coûtait trop cher à reconstruire. Aujourd'hui, un autre pont a été construit pour le passage des voitures.

Nous avons repris la route pour aller trouver un petit chemin dans la broussaille permettant de longer la rivière Katsura. Le dernier typhon a hélas eu raison de ces berges, l'eau des rivières est montée si haut que les arbres et les broussailles étaient aplatis et cela ne ressemblait plus à grand chose. On aurait dit qu'on prenait un chemin d'Indiana Jones au début et qu'une machette nous serait nécessaire ! ^^



Nous sommes arrivés sur le chemin longeant la rivière. Plutôt agréable, à l'ombre car le soleil tape déjà fort ! Un peu plus loin, la rivière Uji rejoint la rivière Katsura pour agrandir le lit. Nous avons continué la marche, jusqu'à un nouvel embranchement des rivières Kizu et Uji. Au fond, se dessinaient les petites collines boisées, et, au milieu, des bâtiments apparaissaient parfois, pour ensuite faire place à la civilisation. Plus loin, de l'autre côté, se trouve l'usine Suntory qui fabrique le Whisky, on peut visiter la fabrique avec, à la fin, dégustation de Whisky. Pour les adeptes... ;) Un peu plus loin sur le chemin, l'un des guides déplorait la destruction d'une cabane créée par une association pour les rivières, qui était encore là il y a quelques semaines et qui s'est volatilisée avec le typhon.



Nous avons repris la route, nous enfonçant dans le village - ou plutôt le quartier. Car nous sommes toujours dans la préfecture de Kyôto, et la présence humaine est toujours aussi dense, mais moins qu'au cœur de la ville de Kyôto. Nous avons fait une escale dans l'entrée d'un temple : nous n'avions pas vraiment d'endroit où pique-niquer, alors les guides sont allés demander l'autorisation d'entrer dans le temple. La requête fut acceptée, mais uniquement sur les marches ^^ Donc nous nous sommes tous installés pour manger nos "bentô" (ou "paniers repas"). Nous avons papoté avec l'un des guides qui parle très très bien français ! En fait, il a vécu 25 ans en France, à Grenoble, donc son Français était au top ! Quelle surprise d'ailleurs. Finalement, pendant cette journée, nous n'aurons pas vraiment pratiqué notre japonais, car ce guide nous parlait français, avec le belge nous parlions français aussi... Les explications étaient en anglais, et en japonais aussi. En tout cas, comme d'habitude, tous les japonais sont adorables. Ces guides aiment ce qu'ils font. Nous avons papoté avec un autre guide aussi, en japonais, toujours très gentil.

Hop, c'est reparti. Nous sommes allés chercher les quartiers "Yuukaku", c'est à dire les anciens quartiers de plaisirs, à Hashimoto. C'était là le thème principal de notre balade. Le guide s'est longuement attardé sur l'histoire avant de nous faire entrer dans le quartier. A l'époque médiévale, la prostitution constituait une part importante de la société japonaise, et on pouvait recenser de nombreux quartiers de plaisir. On parlait des "Shôgi", c'est à dire les personnes se prostituant (terme donné par le gouvernement), ou des "Geigi" c'est à dire les personnes ne faisant qu'amuser les autres par des danses, du théâtre, du chant... les Geisha font partie de ces 2èmes. Les termes sont plutôt un moyen par le gouvernement d'établir des règles (quartiers autorisés, quartiers non autorisés, personnes avec une licence Shôgi ou Geigi...), bref, en réalité on ne distinguait pas vraiment les unes des autres. En 1930, on comptait plus de 500 quartiers de plaisirs au Japon. Certains étaient spécialisés dans le Shôgi, d'autres dans le Geigi. Mais en 1958, le Shôgi (donc la prostitution) est devenu illégal, et ces quartiers durent trouver un autre moyen de gagner de l'argent. Nombre d'entre eux disparurent donc.

Hashimoto était un quartier très populaire car, à l'époque, 3 grands ports le desservaient et permettaient les échanges ; le quartier des plaisirs était aussi très populaire. Hashimoto a donc connu son heure de gloire, on en parlait jusque dans les pièces de Kabuki (théâtre japonais), les Haiku (poèmes japonais), les chansons... Mais avec l'arrivée du train, sa notoriété a commencé à décliner, et lorsque la prostitution fut interdite, Hashimoto a disparu. Aujourd'hui, c'est un peu un quartier fantôme.



Mais alors quel est l'intérêt de venir ici ? Eh bien redécouvrir ce quartier qui, à l'époque, était en pleine effervescence. Et surtout, observer les derniers vestiges de ces quartiers de plaisirs, dont les maisons en bois étaient particulièrement différentes, et surtout très bien travaillées. On voit souvent ces maisons dans les films et les manga : les personnages de l'histoire se baladant dans les rues illuminées la nuit, et les femmes, toutes belles, bien maquillées et portant le kimono, se présentant derrière les barrières des maisons en bois. Ce quartier retrace cette histoire. Aujourd'hui, les maisons sont laissées à l'abandon. A l'époque du déclin des quartiers de plaisir, 3 solutions s'offraient aux propriétaires : 1) ils étaient riches, ou avaient le soutien de la ville, et ils entreprenaient les rénovations nécessaires (comme pour le quartier de Gion par exemple au coeur de Kyôto, connu pour ses Geisha) ; 2) ils étaient pauvres et faisaient détruire la maison pour la remplacer par un parking par exemple ; 3) ils étaient tellement pauvres qu'ils ne pouvaient ni rénover, ni détruire, et laissaient dans l'état. Dans ce quartier, on peut voir certains de ces bordels disparaître, détruits par le temps. Pourtant, ils étaient de magnifiques bâtiments, comme le témoigne celui de la photo ci-dessous, travaillés jusque dans les moindres détails, fignolés... Aujourd'hui, celui du dessous par exemple est encore beau mais s'effrite doucement. D'autres sont tellement en mauvais état qu'ils sont juste abandonnés comme ça.



En avançant, l'un de ces anciens bordels fut transformé en hôtel, aujourd'hui encore on peut y réserver une chambre pour la nuit (23€ la nuit !), mais apparemment cela n'est pas exceptionnel dû à l'abandon des rénovations. L'intérieur, autrefois, était magnifique. Nombre de bordels étaient couverts de carrelage, l'intérieur était travaillé, les murs, les sols, le plafond, les lumières aussi, tout était très bien entretenu et magnifique. On y trouvait des murs comme celui-ci, que l'on a pu voir dans l'entrée de l'hôtel, à l'intérieur de laquelle la dame nous a gentiment laissé entrer. Même dans cet hôtel, on voit qu'aucune rénovation n'est entreprise, tout s'effrite lentement. Cela est aussi dû au fait que Kyôto ne prend pas en charge les rénovations comme cela a été fait pour Gion, et puis les terrains appartiennent à quelqu'un, tandis que la maison appartient à quelqu'un d'autre, il est donc difficile d'entreprendre quoi que ce soit ; et ce quartier s'est tellement appauvri qu'aujourd'hui cela n'est plus possible, les rénovations coûtant une fortune.



Nous avons fait un petit tour, admirant les vestiges des anciens bâtiments, tentant d'imaginer comment ce quartier était autrefois lorsqu'il était plein de vie. De nouveaux bâtiments ont été construits au milieu, à la place de ceux qui ont été détruits, et cela tranche avec le côté historique du quartier. C'est assez bizarre d'ailleurs. Nous avons ensuite marché jusqu'à un bain public. Il était fermé, mais les guides ont demandé au propriétaire s'il était possible de nous faire juste visiter l'intérieur. Il était surprit de voir autant de monde, il a bien ri ! Mais, tellement gentil, il nous a laissé tous entrer. Nous avons donc ôté nos chaussures et il nous a montré les deux parties : les bains hommes, et les bains femmes. De chaque côté, on entre dans un grand vestiaire, dans lequel on peut déposer les habits, et se préparer, on peut aussi se faire masser et se faire faire une permanente pour les femmes ! Il y a des sièges sur lesquels on peut s'asseoir et flâner, et des mangas aussi. Puis on peut entrer dans la partie bain, avec sur le côté les douches pour se laver (car oui on se lave avant d'entrer dans les bains), et de l'autre côté les bains chauds. Du côté homme, on a pu voir un couloir tout en bois avec au bout une fenêtre et un vitrail dessus, datant aussi de l'époque historique, s'agissant d'un morceau de vieux bordel. C'était magnifique.



Nous avons longuement visité, le monsieur papotait un peu avec son super accent de paysan ! Hihi, il roulait bien les r celui-là, difficile de comprendre quoi que ce soit. Nous l'avons remercié et nous nous sommes rechaussés. Puis nous avons encore marché dans le quartier. Nous nous sommes arrêtés à un petit sanctuaire, au coeur du quartier de Hashimoto. Là, une mamie super vieille (mais je ne saurais vous dire son âge, peut-être 90 ?) marchait, totalement pliée en 2. Je suis complètement étonnée du nombre de personnes âgées que l'on voit ainsi, la colonne vertébrale ressortant et le dos plié comme celui d'une baleine (si si), la tête basse. Elle... c'était la pire qu'on ait vu, j'avais l'impression qu'elle avait 2 dos peu cher... Elle avait l'air gentille, j'avais envie d'aller lui parler, mais pour quoi dire ? Et puis, je n'aurais sûrement rien compris ! Mais je suis sûre qu'elle aurait eu beaucoup à dire sur l'histoire, et c'est toujours tellement intéressant. Nous avons eu des explications sur ce sanctuaire, à l'intérieur duquel se trouvait un Jizô, une statue de pierre en forme de bonhomme couvert d'un bavoir rouge : apparemment, il y avait beaucoup d'inondations, et un jour quelqu'un a entendu appeler au secours sous la terre, un endroit non inondé ; il a creusé et a trouvé cette statue, et depuis ce jour, le quartier de Hashimoto est préservé des inondations... Du coup, ce Jizô est vénéré dans un sanctuaire, et à côté d'autres Jizô ont été fabriqués et sont tous alignés dans une vitrine. J'imagine que cette mamie s'occupe de tous ces petits Jizô :)

Voilà, la journée avec les guide se terminait là. On nous a proposé d'aller se délasser dans les bains, mais nous devions rentrer. On nous a donc accompagnés jusqu'à la station de Hashimoto, et ceux qui devaient partir ont pris le train, tandis que les autres sont partis faire les fainéants dans les bains publics !



Donc, moi je trouve ça important de préserver l'histoire, et ses bâtiments. Ils disparaissent tous petit à petit, et d'ici quelques temps il n'y aura plus rien de tout cela. Je trouve cela dommage, même si le sujet peut s'avérer tabou puisque s'agissant de la prostitution, il fut une période emblématique du Japon, et à cette époque on ne parlait pas de tabou, c'était normal. Le quartier de Gion est préservé et on admire ses Geisha, mais je pense qu'il ne faut pas oublier les quartiers de plaisirs qui étaient tout aussi magnifiques. Les gens du coin veulent, cependant, cacher l'histoire d'après le guide, et veulent que tout cela disparaisse. C'est dommage. J'ai trouvé cette visite très intéressante, et puis c'est marrant parce qu'on ne voit ces maisons de bois aux fenêtres qui font un peu prison que dans les films et manga, et finalement, on peut le voir en vrai, à notre époque. De plus, il n'y a aucun autre quartier comme celui-ci aussi bien préservé (sauf Gion), si ce n'est à Ôsaka, mais on ne peut pas y entrer si facilement, et celui-ci est encore vivant. Bref. C'est juste triste de voir ce quartier se décomposer.

Allez, prochaine balade avec le Kyôto Guide Club le 13 octobre pour la Biwa Matsuri à Ôtsu ! Les festivals vont s'accumuler, car le 22 octobre nous aurons le plaisir d'assister à la Jidai Matsuri et à la Hi Matsuri ! Nous vous le ferons partager :)

Je vais mettre les photos de la journée sur l'article des photos, allez les voir d'ici quelques heures.



29/09/2013
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