Ocha Matsuri (festival du thé) à Uji
À la demande générale (…), je reprends la plume pour vous conter notre escapade à Uji, une petite ville située au sud de Kyōto, et très réputée pour son matcha (thé vert). Uji est aussi la ville du Genji Monogatari (Dit du Genji), sans doute le premier grand roman de l'histoire japonaise écrit par une femme, Murasaki Shikibu, au xie siècle. Plus qu'un simple roman, il est souvent considéré comme le premier roman psychologique de l'histoire ! Il dépeint les relations complexes des princes impériaux de la période Heian (794 – 1185).
Ce roman est véritablement culte au Japon et dans le monde. Il pose notamment la question de la femme au Japon de cette époque et montre que les femmes de la noblesse, fragiles et impuissantes, pouvaient avoir recours à la possession pour se défendre. À cette époque, la place de la femme était plus que défavorable au sein du bouddhisme du Grand Véhicule puisqu'elle était frappée de cinq impossibilités qui l'empêchaient d'atteindre la libération en sept vies. La puissance du sutra du Lotus restait leur seule alternative puisqu'il a le pouvoir de forcer l'éveil. En plein honjisuijaku (théories visant à concilier les croyances du bouddhisme et les croyances endémiques du shintō émergeant au xe siècle), ce livre occupa une place majeure au sein de la société japonaise et est aujourd'hui un classique incontournable de la littérature nippone. Nous voilà donc en route pour ce haut-lieu de la culture japonaise, avec une idée en tête : profiter des spécialités au thé vert, à l'honneur lors de la matsuri d'aujourd'hui.
Départ à 11h00 donc. Dix minutes de marche et à peine dix minutes de train plus tard, nous voilà à Uji. Nous avons rencontré sur le quai Andy, notre ancien colocataire australien, qui était en fait dans le même train que nous ! Dès la sortie de la station, nous sommes dans l'ambiance : les stands s'alignent et de gentils Japonais vous tendent des petits gobelets de dégustation, en l'occurrence du thé vert glacé (assez insipide mais sans doute très bon pour les amateurs) ; et de l'eau de source de Kyōto (classique mais toujours appréciable lorsqu'on est habitué à l'eau du robinet). Après ces distractions, nous nous sommes laissés porter par nos estomacs jusqu'à un petit restaurant très typique : petites tables, une vieille japonaise d'un âge incertain assurant l'intégralité du service, des plats de qualité et peu chers. Au menu, bol de riz et ebi katsu (crevette pannée) pour Coraline, bol de riz et tonkatsu (porc grillé) pour Andy, et le seul à gouter les spécialités du coin, votre serviteur : matcha soba (pâtes à la farine de sarrasin aromatisées au thé vert). Tout le monde s'est régalé. Cependant, il nous manquait bien évidemment le dessert, et nous allions le trouver un peu plus loin dans les rues de la ville. Nous avons ainsi marché en dégustant nos manjū au matcha et à la patate douce (petits gâteaux fourrés), ainsi que nos crêpes fourrées au matcha et à la pâte de haricots rouges, un pur bonheur.
Mais trêves de divagations culinaires, rentrons dans le vif du sujet et allons à la découverte des lieux culturels de la ville. Nous sommes tout d'abord passés à côté du fameux pont Ujibashi, sur lequel se sont déroulées trois grandes batailles en 1180, 1184 et 1221 (je vous laisse les passionnantes recherches sur ces batailles ayant opposé les mythiques clans Minamoto et Taira, puis les forces du shogun face aux troupes impériales.. Passionnant vous dis-je !). Rien que d'imaginer les hordes de samouraïs sur leur monture, prêts à en découdre au milieu de ce superbe pont, ajoute une touche épique au lieu, aujourd'hui traversé par de nombreuses voitures…
Prochain arrêt les sanctuaires d'Uji, respectivement Uji jinja et Ujigami jinja (inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco). Le deuxième a tout particulièrement retenu notre attention grâce à son bâtiment principal imposant et son enceinte à l'aura paisible et mystique. Il fut en fait construit en tant que sanctuaire gardien du Byōdō-in, le principal temple de la ville (malheureusement en rénovation jusqu'en mars). Après cette escale spirituelle qui nous a permis de récupérer deux nouveaux shuin, nous nous sommes dirigés vers le Mimurotoji que nous n'avons finalement pas visité, la guichetière nous ayant dit que le complexe n'était pas très grand et le kōyō étant tardif, nous avons décidé de ne pas dépenser 400 yens pour être déçu. Nous sommes donc repartis bredouille en direction d'un pont suspendu de l'autre côté de la ville. En chemin nous nous sommes arrêtés au Kōshōji, un magnifique temple, dont le jardin est gratuit ( !!!!). Encore une fois, une atmosphère reposante et une architecture imposante typique des complexes bouddhiques nous ont épatés.
Après la traversée du pont suspendu, qui n'avait de palpitant que son appellation ; nous étions loin d'une scène de film d'aventure dans laquelle le pont se balance dans un équilibre précaire au-dessus du vide, nous sommes retournés à la gare. Nous en avons profité pour acheter une dernière petite douceur d'Uji : des crêpes dentelles recouvertes de chocolat au thé vert, vraiment excellentes et emballées dans une magnifique boîte verte et dorée.
Bref la visite d'Uji fut un véritable plaisir pour les papilles et pour les yeux. Nous avons en plus repéré plusieurs chemins de randonnées. Pas de doute, nous y retournerons sous peu pour découvrir les autres facettes de cette ville chargée de tradition et d'histoire.